Dans les couloirs d’un gymnase lyonnais, le bruit caractéristique des volants frappés résonne. C’est ici, au cœur de la ville, que le Badminton Club de Lyon (BACLY) a pris racine il y a plus de quatre décennies. Séduits par la découverte du badminton et portés par un rêve, organiser les Championnats de France individuels, quelques joueurs se lancent dans une quête acharnée : trouver un gymnase à Lyon. En 1982, une salle est enfin trouvée, donnant naissance au BACLY.
Aujourd’hui, le BACLY s’impose comme le plus grand club de Badminton de l’Hexagone, avec plus de 670 adhérents. Cette réussite repose sur une formule gagnante : une offre diversifiée de créneaux et un accueil chaleureux pour tous les publics. Des tout-petits du Baby Bad aux compétiteurs de la section sport-études, en passant par le parabadminton, le club cultive l’inclusion et l’excellence.
Depuis l’été 2023, le BACLY a amorcé un tournant majeur en faveur de l’écoresponsabilité. En structurant un pôle dédié, le club s’est engagé à réduire son empreinte environnementale et à sensibiliser ses adhérents aux bonnes pratiques. Trois saisons après son lancement, ce pôle compte treize bénévoles actifs, supervisés par un référent engagé, également membre du conseil d’administration du club.
L’objectif de ce pôle est clair : ancrer des initiatives durables pour un badminton plus respectueux de l’environnement. “Nous avons voulu un noyau dur autour de l’écoresponsabilité, afin de lancer des actions pérennes et efficaces”, explique Jérôme Gervasonni, référent du pôle.
Parmi les initiatives phares du BACLY, le recyclage des volants occupe une place centrale. Grâce à un partenariat avec l’association Compo’plume, le club s’attaque à l’un des principaux enjeux environnementaux du badminton : la consommation excessive de volants en plume. Contrairement aux volants en plastique, les volants en plume s’usent rapidement, notamment en compétition, où un seul match peut en nécessiter quatre ou cinq.
Pour y remédier, le BACLY a mis en place un système de collecte avec Compo’plume. Dès qu’un volant est trop endommagé pour être réutilisé, il est placé dans un carton dédié. Une fois rempli, celui-ci est envoyé à l’association, qui recycle ces volants pour faire du mobilier, notamment des tables. “Cela nous permet de donner une seconde vie à notre matériel et d’agir sur notre plus gros poste de dépenses”, précise Jérôme Gervasonni.
En parallèle, le club recycle également les bouchons des tubes de volants, un geste simple, mais efficace pour optimiser la gestion des déchets.
Au-delà du recyclage, le BACLY cherche aussi à prolonger la durée des volants. Une des solutions envisagées repose sur l’entretien des plumes. “Les volants en plume sont sensibles à l’humidité. En les réhumidifiant légèrement, on peut éviter qu’ils deviennent trop cassants et ainsi réduire leur consommation”, détaille le responsable du pôle.
Ce travail sur la durabilité des volants permet aussi de prendre conscience d’un fait méconnu : les plumes utilisées ne sont pas choisies au hasard ! Elles proviennent exclusivement de l’aile gauche des oies. Pourquoi ? Parce que la courbure de la plume doit être identique sur tout le volant pour garantir un vol stable. Une particularité étonnante, qui rappelle à quel point il est essentiel de limiter la consommation de volants pour en réduire l’impact sur l’environnement.
Cette démarche n’est pas seulement écologique, mais aussi économique. Ces dernières années, le prix d’une boîte de volants a doublé, passant de 15 à 30 euros. “Un compétiteur peut consommer jusqu’à 10 boîtes par an. Si nous réussissons à réduire cette consommation de 30%, l’impact financier est non négligeable pour nos joueurs« , souligne Jérôme Gervasonni.
Précurseur en matière d’écoresponsabilité, le BACLY a été l’un des premiers clubs de la région à adopter ces pratiques. Aujourd’hui, sa dynamique s’étend bien au-delà de ses murs. Lors des compétitions régionales en Auvergne-Rhône-Alpes, les cartons de recyclage Compo’plume sont devenus une présence quasi systématique, signe d’une prise de conscience collective. “C’est encourageant de voir que cette initiative devient un réflexe pour de plus en plus de clubs”, se réjouit le responsable du pôle écoresponsable.
Mais le BACLY ne s’arrête pas là ! Les compétitions sont un terrain idéal pour faire bouger les lignes. Chaque année, une dizaine de tournois sont organisés par le club, et désormais, ils ont tous un point commun : ils sont écoresponsables.
“La buvette, c’est un gros enjeu. Avant, on utilisait des assiettes en plastique, des couverts jetables, des bouteilles d’eau… Aujourd’hui, tout ça, c’est fini !”, explique Jérôme Gervasonni. Place aux écocups consignées, aux assiettes réutilisables et aux couverts en métal. Et pour aller plus loin, le club s’associe avec Le Fourgon, qui récupère les invendus et les bouteilles vides.
Et le bio ? “On fait au mieux, on essaie de le faire à 50 %, parce que le 100 % bio, ça ferait exploser les prix. Il faut que la buvette reste accessible”, concède le référent du pôle. Un compromis entre écologie et réalité économique, mais toujours dans le bon sens.
Autre révolution : la disparition des bouteilles en plastique. “Ça, c’était une pratique historique, sur tout tournoi de badminton qui se respecte, on pouvait acheter une bouteille en plastique”, explique Jérôme Gervasonni. Désormais, les joueurs doivent venir avec leurs propres gourdes.
L’apogée de cet engagement s’est joué lors des Championnats de France Jeunes 2024, un événement XXL organisé par le BACLY dans une halle d’athlétisme. L’occasion rêvée pour frapper un grand coup : une buvette encore plus écolo, mais surtout, un espace dédié à la sensibilisation. Sur une mezzanine, plusieurs associations (Récup & Gamelles, Team Formule Planète, etc.) animaient des stands sur le développement durable. “Les jeunes s’arrêtaient entre deux matchs, les familles prenaient le temps de discuter… On a réussi à toucher du monde”, se félicite un Jérôme Gervasonni. En trois jours, près de 500 personnes par jour sont passées par cette grande messe du badminton écoresponsable.
Mais l’écologie au BACLY ce n’est pas seulement réduire les déchets, c’est aussi réutiliser. D’où l’idée, toute récente, de la bourse aux équipements. En début de saison, les adhérents peuvent venir déposer leurs anciens maillots, chaussures ou raquettes en bon état qui sont ensuite revendus à prix minis. “C’est une super solution pour équiper les nouveaux sans exploser le budget. Et tout ce qui reste part en dons”, explique Gervasonni. De fait, les invendus sont ensuite envoyés à l’ASUL (Association Sportive Universitaire Lyonnaise), qui les transmet à Un ballon pour le Burkina, une association qui équipe des écoles en Afrique.
Avec toutes ces initiatives, le BACLY est devenu un acteur clé de l’écologie sportive à Lyon. Labellisé EcoBad ainsi que toutes ses compétitions, le BACLY est même sollicité par la métropole lyonnaise pour partager son expertise. “On a contribué à un livre blanc sur l’écologie dans le sport et on participe au projet Agora 2030”, précise le référent du pôle écoresponsable.
Des fresques du climat sont également organisées pour sensibiliser les adhérents et leur entourage. “C’est ouvert à tout le monde. On fait ça sous format apéro chez moi. On parle climat, on échange… et on passe un bon moment !”, raconte Jérôme Gervasonni.
Si le club a su structurer son engagement écoresponsable, le chemin n’a rien d’un long fleuve tranquille. Le premier obstacle reste financier. Même si certaines initiatives bénéficient de subventions, celles-ci ne font que couvrir des dépenses déjà engagées. “On ne va pas se faire de marge sur nos subventions écoresponsables. Elles viennent juste payer des dépenses qu’on engage de fait”, explicite Jérôme Gervasonni.
En clair, chaque action nécessite un investissement de départ, que ce soit pour l’achat de tablettes afin de limiter l’usage du papier, ou l’organisation d’événements pour sensibiliser les adhérents.
Un autre frein, plus insidieux, concerne le changement des habitudes. L’exemple des volants illustre bien ce défi. Si l’idée de prolonger leur durée de vie séduit sur le papier, l’application concrète est plus compliquée. “On a encore des compétiteurs qui refusent d’utiliser des volants usagés pour leurs entraînements”, reconnaît Jérôme Gervasonni. Une résistance logique quand la performance est en jeu, mais qui oblige le club à jongler entre exigences sportives et responsabilité environnementale.
Ce virage écoresponsable pourrait aussi avoir un coût humain : celui de voir certains joueurs partir. “Avec la restriction sur les volants, on va perdre des compétiteurs, qui préfèreront rejoindre un club où ils peuvent consommer sans contrainte”, admet Jérôme Gervasonni. Un risque assumé, car à terme, même ces clubs plus permissistes devront composer avec la réalité écologique et économique. “Ils se rendront vite compte qu’en fait, ce n’est plus open bar”, souligne le référent du pôle.
Pour autant, pas question de renoncer. Le club travaille actuellement sur une charte du développement durable que chaque adhérent devra signer lors de son inscription. Une manière d’impliquer davantage les joueurs et de diffuser les bonnes pratiques. Le BACLY mise aussi sur des initiatives participatives, comme le challenge Ma Petite Planète, un défi ludique autour de l’écoresponsabilité.
Mais le plus grand défi reste l’effet d’entraînement sur les autres clubs. “On montre l’exemple, mais c’est compliqué : chaque club a ses spécificités et ses moyens”, note Gervasonni. L’objectif n’est pas d’imposer une méthode, mais d’inspirer : une bourse aux équipements ici, une buvette plus responsable là. Dans cette dynamique, une priorité s’affiche pour les mois à venir : la pérennisation du pôle écoresponsable. Avec une équipe engagée et des résultats concrets, l’initiative est en bonne voie. “On y compte bien, et c’est bien parti pour durer”, assure Jérôme Gervasoni.