Le Tennis club Paris Centre n’est pas un géant du sport. Avec ses 400 adhérents dispersés sur plusieurs sites et l’absence de clubhouse, c’est un club de quartier, modeste, mais vivant. C’est là que Julien Milgram, salarié depuis six ans, a entamé une démarche peu commune : faire de la responsabilité environnementale un axe concret du quotidien du club.
Julien n’est ni militant chevronné de l’écologie, ni expert de la RSE. Il n’a pas de formation spécifique, ni d’équipe dédiée. Il part de zéro, ou presque, mais avec une lucidité désarmante et une énergie contagieuse. “On avait déjà tout pour être capable de faire des choses”, confie-t-il. Encore fallait-il décider de les faire.
Cette prise de conscience émerge en 2025. Il commence par écouter, lire, s’informer. Un colloque RSE organisé par la Fédération Française de Tennis, puis un webinaire animé par la référente nationale, vont l’aider à franchir un cap. Il y découvre des outils, des exemples, des formats simples à adapter. Julien comprend qu’il peut, à son échelle, structurer une action crédible, progressive. “L’idée, c’était d’abord de reprendre ce que fait la Fédération, ce qu’elle nous conseille de faire”. Avec méthode, il construit un plan sur plusieurs années. Une ambition naît : faire mieux, pas à pas, en s’appuyant sur le réel.
Grâce à la fédération, il découvre un socle d’outils concrets, de bonnes pratiques transposables et une approche pragmatique de l’action environnementale. Il se rend compte qu’il n’a pas besoin de réinventer la roue, mais de s’approprier ce qui existe déjà.
À partir de ces ressources, Julien élabore son plan RSE adapté à la réalité du club. Il y fixe des objectifs progressifs, avec une vision réaliste et durable. “J’avais besoin de me donner une ligne de conduite. J’ai du mal à faire toujours la même chose. Donc, je me suis dit : il me faut des objectifs”. Il commence par valoriser ce qui fonctionne déjà : une infrastructure principale construite récemment, pensée selon des critères environnementaux, qui constitue une base solide sur laquelle s’appuyer.
Pour ancrer cette dynamique dans la culture du club, une charte interne des engagements écoresponsables est rédigée. Ce premier jalon, à la fois symbolique et structurant, permet de poser les bases d’un projet lisible, ouvert à l’adhésion des membres. “Il fallait un document, une trace, un point de départ pour embarquer les autres”.
Julien commence par les enfants. Pour eux, un stage écoresponsable, à la fois ludique et éducatif, est conçu. L’idée est simple, mais efficace : les jeunes joueurs remportent des points non seulement en jouant, mais aussi en ramenant des balles usagées et des bouchons plastiques. “Toute la semaine, ils pouvaient ramener soit des balles, soit des bouchons, ça leur donnait des points. Et à la fin, on faisait un classement”. Une manière de relier effort sportif et geste utile.
L’animation ne s’arrête pas là. Le TC Paris Centre propose également des quiz sur l’environnement, animés pendant les pauses sportives. Faute de matériel au départ, Julien se tourne vers ChatGPT pour rédiger les premières questions, puis enrichit son contenu grâce aux outils mis à disposition par la Fédération. Ces temps de jeu deviennent des moments d’apprentissage collectif.
En avril, le club passe un cap en mettant en place une première action structurée à plus grande échelle. Lors de la fête de l’école de tennis, il installe une « fresque écologique » maison. Ne pouvant emprunter la version officielle de la FFT, Julien en construit une lui-même, avec des feuilles A4 imprimées et regroupées par thèmes : infrastructure, matériel, alimentation, numérique, déplacements.
Il soigne aussi l’environnement visuel : affiches, bacs de tri, cartons pour collecter balles, bouchons et vêtements, sans oublier des messages positifs accrochés pour susciter la curiosité. “L’idée était que les enfants soient exposés à ça, qu’ils picorent des informations”.
Ces animations rencontrent un écho immédiat. Les enfants sont réceptifs, familiers avec ces thématiques à l’école, et s’engagent spontanément. Julien le sent : il a trouvé un levier. Des actions concrètes, simples, visibles, qui parlent à son jeune public et donnent du sens à leur présence au club. “Ils comprennent vite. Et ils aiment quand on les responsabilise”.
Après avoir testé avec succès des animations auprès des enfants, Julien décide de s’adresser aux adultes. Un public plus difficile à mobiliser, mais tout aussi essentiel dans une logique de transformation collective. Alors, le club organise des moments conviviaux, mêlant pratique du tennis et sensibilisation. “Deux grandes tables, les cartes à assembler, des équipes qui tournent entre le tennis et la fresque. C’est bon enfant, il n’y a pas de compétition”.
Au cœur de cette animation : une fresque environnementale inspirée du jeu de cartes fourni par la FFT. Le principe : assembler des cartes pour comprendre les impacts environnementaux liés à la pratique du tennis. C’est simple, participatif, mais suffisamment parlant pour déclencher des échanges. “Il fallait que ça reste léger, accessible. L’échange vient en jouant”.
En parallèle, des bacs de collecte visibles et identifiés pour les raquettes usagées, les balles, les bouchons plastiques et les vêtements de sport sont également déployés. L’objectif est clair : faire de ces gestes une habitude, sans injonction. Le site internet du club relaie peu à peu ces initiatives, posant les fondations d’une communication.
Pour évaluer l’impact de ses actions, Julien se dote de ses propres outils de mesure : nombre de balles collectées, poids des vêtements, volume de bouchons, mais aussi un indicateur plus subjectif : la présence de gourdes sur les terrains. “Je regarde même qui vient avec une gourde. Je note tout ça, pour voir si ma communication marche”. Ce suivi, artisanal, mais constant, lui permet de valider certaines intuitions, d’en ajuster d’autres, et surtout de garder le cap. Il s’agit moins de chiffres que de signaux : autant de repères pour construire une dynamique sincère, ancrée dans le quotidien du club.
Avec ces 400 adhérents, le TC Paris Centre est réparti sur huit sites, sans réelle unité géographique. “On est rue Neuve Saint-Pierre, c’est notre fief. Mais j’ai aussi des créneaux à la Faluère, dans le bois de Vincennes, où je ne peux pas faire grand-chose à part un clean walk”. L’absence de clubhouse, le morcellement des sites et le manque de moyens humains rendent la tâche ardue.
Julien est seul à tout gérer : la direction sportive, l’administratif, et la mise en œuvre de la stratégie écoresponsable. Pas de responsable communication, pas de salarié en soutien, pas de commission dédiée : juste lui, et beaucoup d’énergie.
Mais ce contexte contraint devient un cadre de créativité. Julien fait avec les moyens du bord, capitalise sur l’existant, en particulier sur le site de Neuve Saint-Pierre. C’est là, dans une infrastructure construite en 2018-2019 avec des matériaux écoresponsables, que le levier est réel. Ce site devient une vitrine, un laboratoire d’expérimentation. Il y concentre ses actions, teste, ajuste. Les contraintes ne disparaissent pas, mais elles forcent à aller à l’essentiel, à prioriser ce qui est faisable, visible, reproductible.
Julien Milgram souhaite aller plus loin : inscrire l’écoresponsabilité dans le temps long, de manière structurée et progressive. Il vise d’abord l’obtention du label “club engagé” bronze de la FFT, gage d’un engagement reconnu, avant de penser, pourquoi pas, aux niveaux supérieurs. Pour cela, il entend formaliser davantage son action, l’évaluer, la pérenniser.
Il imagine une journée écoresponsable annuelle, ouverte aux familles, aux institutions, aux partenaires. Il souhaite également faire intervenir des experts, associer des élus locaux, ouvrir le club sur son territoire. Car au-delà du tennis, il voit dans cette démarche un levier d’inclusion sociale et de santé : tennis adapté, séances en EHPAD, accueil de personnes en rémission ou en situation de handicap.
Julien se voit désormais comme un catalyseur, quelqu’un qui amorce le mouvement, même s’il reste encore seul à le porter. Il sait que le changement prendra du temps, mais il avance avec détermination : “Il faut commencer quelque part. Et après, on embarque les autres”.
“J’aimerais que cette démarche responsable devienne une dynamique collective”. Julien ne force personne, mais observe les premiers effets : les parents, les enfants, les adultes qui réagissent. La présidente du club, sensible au sujet, lui laisse carte blanche.
Le projet avance par paliers, sur des temps forts et se nourrit d’échanges avec d’autres clubs. “Au colloque, j’ai vu des clubs énormes, avec des référents RSE, des équipes. Moi, je fais à ma manière. Ce n’est pas pareil”. Mais il a compris l’essentiel : chacun peut commencer, même petitement.
Et continuer, le TC Paris Centre en a bien l’intention. Sans prétendre révolutionner quoi que ce soit, le club agit, avec ce qu’il a, là où il est. Son approche est pragmatique, progressive, adaptée à son contexte. Elle démontre qu’il n’est pas nécessaire d’avoir des moyens énormes pour faire émerger une dynamique vertueuse : un peu de méthode, beaucoup de volonté, et une bonne dose de créativité peuvent suffire à initier le changement.