TÉMOIGNAGE de l’EMBAR Rugby

Présentation du club

Lambard, entre Belfort et Montbéliard, une terre de rugby peu connue du grand public, mais où se joue un match bien plus grand que celui qui oppose deux équipes sur un terrain. Ici, l’Entente Montbéliard Belfort ASCAP Rugby, plus simplement appelée EMBAR, s’engage chaque jour pour faire vivre un sport, une communauté et des valeurs. Solidarité, respect, inclusion, engagement : des principes rugbystiques que le club défend bien au-delà des lignes blanches.

“Les valeurs du rugby doivent vivre autant sur le terrain que dans la société”, affirme Étienne Gaillardot, président du club depuis cinq ans. Et lorsqu’on l’écoute raconter l’histoire du club, on comprend vite qu’ici, rien n’est laissé au hasard. Car derrière les essais et les mêlées se cache une aventure humaine singulière, née de plusieurs fusions locales et portée par une passion intacte : celle d’un rugby qui rassemble, éduque et transforme.

L’histoire de l’EMBAR, c’est d’abord celle de plusieurs clubs locaux réunis pour ne faire qu’un. Une première fusion en 2000, une autre en 2011, et un parcours sportif marqué par une ascension fulgurante, six montées en six ans, jusqu’à la Fédérale 3. Depuis, l’équipe senior est redescendue en championnat régional, mais l’envie est intacte. Le club, avec ses 350 licenciés, continue de rayonner sur un territoire écartelé entre deux villes, deux départements, et pourtant uni autour d’un même maillot.

Une commission pour impulser l’action

Tout part d’un constat simple : “Nos lieux de pratique sont répartis entre Belfort et Montbéliard. Pour les familles, les éducateurs, les joueurs, ça suppose forcément des déplacements”. Conscient de cette contrainte logistique, le club a mis en place une commission environnementale dédiée à la réduction de son empreinte carbone.

Premier geste fort : tous les déplacements, des plus petits aux seniors, se font en bus collectif. “C’est une règle de base. On ne transige pas là-dessus”, insiste le président. À côté, le club promeut activement le covoiturage pour les entraînements.

Mieux : des événements à vélo sont organisés avec des associations locales comme Véloxygène ou Le Maillon Solidaire. Ces ateliers permettent notamment d’apprendre à réparer son deux-roues et de promouvoir les mobilités douces lors des tournois.

Le zéro gaspillage comme seconde nature

Lors des repas ou des goûters organisés, aucun reste n’est jeté. “Ce sont les jeunes qui repartent avec les restes, et ce qu’il reste encore part nourrir les poules de certains membres du club”, sourit le président. Une manière simple de responsabiliser chacun tout en luttant contre le gaspillage.

Dans le même esprit, le club a anticipé les obligations réglementaires en installant un compost il y a plusieurs années déjà. Les déchets y sont méthodiquement triés. Au sein du club, il y a un véritable effort de cohérence dans la mise en place de ces actions : “C’est bien de demander aux gens de trier, mais il faut leur mettre les bonnes poubelles, les bonnes affiches. Sinon, ça ne marche pas”, résume Etienne Gaillardot.

Les ampoules du club-house ont été remplacées par des LED, plus sobres en énergie, et les traditionnels verres en plastique ont laissé place aux éco-cups. Une bonne idée, doublée d’une autre : un lave-verre professionnel a été acquis, auprès d’un bar en liquidation, pour quelques dizaines d’euros, pour éviter que les bénévoles passent leurs week-ends à frotter 400 gobelets à la main. “L’écologie, oui, mais pas au détriment de nos bénévoles. Il faut que ce soit tenable pour tout le monde !”.

Le rugby comme levier de transformation sociale

“Ce club, c’est un projet de société”, résume Étienne Gaillardot. Car depuis son arrivée à la présidence, EMBAR s’est donné une mission : faire du rugby un outil d’inclusion, d’éducation et de reconstruction.

Tout commence par un maillage territorial fort. Le club collabore avec les chantiers jeunes des communes, les structures d’insertion, les foyers éducatifs. Des adolescents en rupture viennent prêter main forte au club : ils construisent des bancs, fabriquent des tables de pique-nique, montent des composteurs en bois. En retour, ils sont accueillis, encadrés, valorisés. Ils découvrent un cadre, un collectif, un respect mutuel.

“Ce n’est pas de la charité. C’est un échange. Eux nous aident, nous leur donnons un espace pour exister autrement”, insiste le président. Certains jeunes, après avoir été “accueillis” dans ce cadre, ont même décidé de s’inscrire comme licenciés ou bénévoles.

Le club va plus loin encore. À chaque vacance scolaire, il organise des stages de rugby responsables pour les moins de 12 ans. Rugby le matin, écologie et citoyenneté l’après-midi. On y apprend à ramasser les déchets, à comprendre le cycle de l’eau, à trier, à faire une fresque du climat. On découvre le handisport, on teste des fauteuils de rugby, on débat sur les effets du plastique ou sur les économies d’énergie. Le tout dans la bonne humeur.

Une labellisation ambitieuse

Cette démarche globale ne passe pas inaperçue. Le club a rejoint très récemment le cercle très fermé des structures labellisées Fair Play For Planet, initiative fondée par l’ancien international de rugby Julien Pierre. “C’est un engagement de plusieurs années. Le label coûte cher, environ 4 000 euros, un vrai investissement pour un club amateur comme le nôtre”. Heureusement, la région Bourgogne-Franche-Comté soutient le projet. En échange de subventions, elle exige des actions écologiques concrètes. “Nous leur avons proposé de financer notre labellisation. Et ça a marché”

L’EMBAR est devenu le premier club amateur de la région à recevoir le label. “Et l’un des seuls du quart nord-est. C’est une vraie fierté. Ça prouve qu’on peut faire les choses sérieusement, même sans les moyens du haut niveau”, annonce fièrement le président du club.

Un équilibre économique fragile mais résilient

Évidemment, tout cela ne va pas sans embûches. EMBAR évolue sur un territoire fragmenté, entre deux villes, deux départements, deux intercommunalités. Résultat : près de 20 demandes de subventions à déposer chaque année, chacune avec ses critères, ses délais, ses spécificités. Le budget global repose sur un équilibre fragile : un tiers de financements publics, un tiers de sponsoring privé, un tiers d’autofinancement via les licences, la buvette, les repas et les tournois. La situation reste délicate, notamment depuis la descente sportive, mais l’engagement écologique et citoyen devient aussi un levier de financement.

“Aujourd’hui, beaucoup de collectivités ou d’entreprises veulent soutenir des projets avec du sens. Notre ancrage local, nos actions concrètes, notre image… ça parle. Et ça nous permet de garder une certaine stabilité”, explique le président du club.

Des freins, mais une dynamique collective

Et le bénévolat ? Il reste l’un des points les plus sensibles. “On est toujours sur le fil”, reconnaît Etienne Gaillardot. La pandémie a laissé des traces, notamment chez les parents et les encadrants. Il faut réinventer l’engagement, séduire les jeunes générations, rendre les missions plus souples, plus attractives. Ici aussi, EMBAR innove : formations, réunions participatives, prise en compte des contraintes de chacun. La convivialité fait le reste.

« Les valeurs, il faut les incarner »

Ce que défend EMBAR, finalement, c’est un certain rugby. Pas celui des paillettes ou des caméras. Mais celui des gestes simples, du respect partagé, du terrain comme lien social. « Les valeurs, les écrire au mur, c’est bien. Les faire vivre au quotidien, c’est mieux, » martèle Etienne Gaillardot. Respect, solidarité, convivialité, engagement… Ces mots prennent chair dans chaque action, chaque décision. “Le rugby, c’est un sport de contact, mais c’est d’abord un sport de lien”. Et ce lien, le club le tisse au quotidien, entre générations, quartiers, pratiques, avec comme fil rouge l’envie de faire société.

En ces temps où le sport est souvent réduit à la performance ou au spectacle, l’EMBAR rappelle que le club sportif peut être un acteur de transformation sociale.

CONCLUSION

Dans un paysage sportif souvent dominé par les résultats et les projecteurs, EMBAR trace une voie différente : celle d’un rugby à taille humaine, profondément enraciné dans son territoire et résolument tourné vers l’avenir. Ici, chaque action, si modeste soit-elle, participe à une ambition plus large : celle de former des joueurs, oui, mais surtout des citoyens.

L’EMBAR montre qu’il n’est pas nécessaire d’avoir des millions pour agir avec conviction. Il suffit d’avoir une vision, des valeurs, et une communauté prête à les incarner. Le rugby, dit-on, est un sport d’engagement. À EMBAR, cet engagement dépasse le cadre du jeu, pour prendre des dimensions environnementales et sociales.

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