Sur les bords du gave de Pau, au pied des Pyrénées, l’eau s’anime régulièrement au rythme des pagaies. Derrière ces grands rendez-vous du canoë-kayak slalom, un nom revient toujours : Pau Canoë Événements. Cette association est le cœur battant de la scène nautique Paloise. C’est elle qui orchestre, dans les moindres détails, les compétitions internationales accueillies sur le stade d’eaux vives.
“On est une petite équipe, mais on fait de grands événements”, sourit Léa Miller, chargée de projet et responsable du pôle développement durable. Autour d’un noyau permanent composé d’un coordinateur général et d’un salarié en CDI, s’agrège une constellation de talents : freelances, CDD, stagiaires et volontaires en service civique. Selon l’ampleur de la manifestation, la famille s’agrandit, portée par la même passion du sport de nature.
Mais l’organisation d’une Coupe du monde ne s’improvise pas. “Ce sont des événements qui appartiennent à la Fédération internationale”, rappelle Léa Miller. La chaîne est bien huilée : l’ICF (Fédération internationale de canoë) délègue à la FFCK (Fédération française), qui confie ensuite la mise en œuvre à Pau Canoë Événements. Si l’association ne détient pas toutes les clés, elle reste l’actrice incontournable sur le terrain, celle qui fait de chaque rendez-vous une fête maîtrisée et, désormais, engagée vers un objectif clair : allier performance sportive et exemplarité environnementale.
Derrière les vagues et les rapides, il y a une évidence : le canoë-kayak est un sport intrinsèquement lié à la nature. À Pau Canoë Événements, le respect de l’environnement n’est pas un ajout, c’est un pilier historique. “L’environnement fait partie des quatre piliers de notre pratique”, rappelle Léa Miller. Depuis toujours, chaque geste, chaque décision prend en compte cette relation intime avec le milieu naturel, des eaux vives aux berges du gave.
Pourtant, l’année 2021 marque un véritable tournant. Après les interruptions liées à la pandémie, l’association décide de structurer et de renforcer son pôle développement durable. L’objectif est clair : passer de gestes isolés à une démarche cohérente et visible, capable d’être valorisée auprès des partenaires et du public. Plus qu’une question de signalétique ou de tri, il s’agit de faire du respect de l’environnement une composante intégrée de chaque événement, du choix des matériaux à la sensibilisation des spectateurs.
Pour Pau Canoë Événements, le développement durable ne se limite pas à des gestes ponctuels ou symboliques. L’association cherche à passer de la simple action à une réflexion systémique, où chaque décision prend en compte son impact écologique, économique et social. “Ce n’est pas juste acheter des éco-cups ou installer des toilettes sèches”, précise Léa Miller. Chaque détail est questionné : peut-on remplacer ces 50 feuilles imprimées par un QR code ? Comment réduire les déchets tout en conservant une expérience de qualité pour le public ?
L’objectif est clair : ancrer la durabilité dans toutes les décisions, de la conception des événements à leur déroulement. Chaque choix, qu’il concerne la logistique, la signalétique ou le matériel des bénévoles, est analysé à l’aune de sa durabilité. Cette approche proactive permet non seulement de réduire l’impact environnemental, mais aussi de pérenniser l’organisation sur le long terme, en évitant les solutions “one-shot” qui disparaissent après l’événement.
Le paradoxe des événements sportifs est bien connu : ils sont éphémères par nature, mais leur empreinte peut être durable. Pau Canoë Événements relève ce défi en mettant en place une logique de réutilisation et de recyclage. Les panneaux de signalisation, la signalétique des buvettes ou des stands partenaires ne sont pas jetés après chaque édition ; ils sont conservés, adaptés et remis à jour seulement lorsque c’est nécessaire. Même la charte graphique, si elle évolue pour chaque édition, conserve une cohérence visuelle qui permet de limiter la production de nouveaux supports et de stabiliser l’identité des partenaires.
Au-delà des actions internes et des choix logistiques, Pau Canoë Événements place la sensibilisation au cœur de sa démarche. Chaque acteur de l’événement, des athlètes, bénévoles, partenaires au public, est invité à devenir partie prenante de la transition écologique.
Pour les athlètes, l’implication prend des formes concrètes et visibles. Certains sont sollicités pour réaliser des vidéos ou devenir des ambassadeurs du développement durable, relayant auprès du public et des médias des gestes simples, mais impactants.
Les bénévoles jouent un rôle tout aussi central. Formés en amont par l’équipe et par l’agglomération, ils deviennent des ambassadeurs durables sur le terrain, guidant le public dans le tri des déchets et expliquant le fonctionnement des dispositifs mis en place. Leur présence n’est pas seulement logistique : elle contribue à créer une culture de responsabilité et d’éducation environnementale au sein de l’événement.
Le public n’est pas en reste. Depuis plusieurs années, Pau Canoë Événements a développé le Village Sport Planète, un espace où 15 à 18 associations locales viennent présenter leurs initiatives. Entre ateliers pratiques, démonstrations et jeux, chaque visiteur peut découvrir des pratiques responsables allant de la gestion des déchets à la sensibilisation aux premiers gestes de secours. Pour rendre cette découverte ludique et interactive, des jeux à énigmes incitent les spectateurs à visiter les différents stands, transformant l’apprentissage en un véritable parcours d’exploration.
Les résultats sont parlants. En 2022, le nombre de visiteurs sur les stands a atteint un record, avec plus de 150 passages par jour, et les retours des associations et du public sont très positifs. Des initiatives comme fabriquer son propre déodorant ou participer à des ateliers pratiques marquent durablement les esprits et démontrent que sensibilisation et engagement peuvent coexister avec la performance sportive.
Depuis 2021, Pau Canoë Événements a choisi de franchir un cap en matière de développement durable : la labellisation CNOSF “Développement Durable, le sport s’engage”. Pour l’association, ce n’est pas qu’un simple titre honorifique, c’est un véritable moteur pour structurer et valoriser ses actions.
La première candidature, en 2021, leur a permis d’obtenir le niveau Argent. “C’était la première fois que nous postulions”, explique Léa Miller. Certaines pièces justificatives manquaient encore, mais cette étape a permis de poser les bases d’une démarche plus ambitieuse et de montrer que le développement durable n’était pas qu’une intention, mais déjà une pratique concrète.
Dès 2022, Pau Canoë Événements passe à la vitesse supérieure. L’association atteint le niveau Or. Une reconnaissance qui a été vécue comme un véritable encouragement : la preuve que le travail accompli sur le terrain, parfois invisible, avait une portée tangible et mesurable.
L’année suivante, en 2023, la donne change : l’événement est co-organisé avec l’UNSS, et le label redescend au niveau Argent. Une situation qui illustre la réalité des partenariats et des contraintes organisationnelles : quand plusieurs acteurs sont impliqués, certaines marges de manœuvre pour appliquer toutes les actions durables sont réduites. Mais pour Léa Miller, cela reste positif : “Même au niveau Argent, cela montre qu’il y a un travail solide derrière”.
En 2025, le retour des Coupes du Monde à Pau coïncide avec une nouvelle reconnaissance au niveau Or, renforçant une logique de continuité et de progression. Chaque événement est ainsi l’occasion de réaffirmer l’engagement de l’association, de mesurer ses actions et de s’inscrire dans une dynamique durable à long terme.
Au-delà du prestige, le label implique un processus exigeant et permanent. Chaque candidature doit être déposée pour chaque événement, et chaque édition fait l’objet d’un bilan détaillé, obligatoire pour pouvoir se représenter l’année suivante. Cette exigence contraint l’association à formaliser ses actions, à réfléchir en amont et à documenter chaque geste, de la logistique aux initiatives de sensibilisation.
Néanmoins, les avantages sont multiples. D’abord, la labellisation offre une valorisation auprès des partenaires et du public, une preuve tangible de l’implication de l’association. Ensuite, c’est un outil de justification interne : elle facilite l’acceptation des changements nécessaires, parfois contraignants, dans l’organisation quotidienne des événements. Enfin, elle constitue un levier pour obtenir des financements, en montrant aux mécènes et institutions que chaque euro investi sert un projet sérieux, structuré et reconnu.
Pour Pau Canoë Événements, le label n’est donc pas une fin en soi, mais un véritable catalyseur : il structure la réflexion, légitime les choix et pousse l’association à aller toujours plus loin dans sa démarche de durabilité, faisant de chaque Coupe du Monde une vitrine exemplaire de ce que peut être un événement sportif responsable.
Derrière l’image fluide et maîtrisée des Coupes du monde, Pau Canoë Événements fait face à une réalité faite d’imprévus et de contraintes logistiques. Chaque édition est un exercice d’équilibre, où il faut concilier performance sportive et respect de l’environnement. Léa Miller en donne un exemple concret : la canicule de l’été dernier. L’équipe souhaitait organiser un événement zéro plastique, avec de l’eau fournie uniquement en canettes recyclables. Mais les températures exceptionnellement élevées ont rapidement vidé les stocks, et il a fallu improviser pour garantir l’hydratation des athlètes et des organisateurs. Ce type de situation illustre la nécessité d’une flexibilité constante et d’une capacité à s’adapter aux aléas climatiques et logistiques.
Au-delà des imprévus, la question des ressources humaines et financières reste un défi permanent. Certaines initiatives, comme le calcul du bilan carbone, demandent du temps et des moyens spécifiques qui ne sont toujours pas disponibles. “En 2025, la Fédération internationale ne finançait plus le calcul carbone, et nous n’avions pas le budget pour le réaliser”, explique Léa Miller. L’association a donc dû faire des choix stratégiques : se concentrer sur les actions qu’elle maîtrise totalement pour en garantir la qualité, plutôt que de disperser ses efforts sur des projets ambitieux, mais coûteux.
Pour Pau Canoë Événements, le travail ne s’arrête jamais. Chaque édition est l’occasion de tirer des enseignements et de peaufiner les actions, avec un objectif constant : rendre les événements toujours plus durables, cohérents et impactants.
Une force essentielle de l’association réside dans sa communauté engagée. Chaque année, 50 à 60 % des bénévoles restent fidèles, formant un noyau solide et expérimenté. Ces piliers sont choyés et valorisés, car leur engagement et leur expertise sont indispensables pour la réussite des compétitions et pour la mise en œuvre des initiatives durables. Cette fidélité crée une continuité qui facilite la pérennité des actions, tout en renforçant la cohésion au sein de l’équipe.
Au-delà du cercle interne, Pau Canoë Événements est devenue une référence dans le monde du kayak. Son engagement pour le développement durable inspire d’autres organisateurs en France et à l’international, qui cherchent à reproduire des pratiques similaires. Les retours des associations, des partenaires et du public montrent un impact concret et mesurable : sensibilisation accrue, participation active aux stands, adoption de gestes simples et durables.
Pau Canoë Événements prouve qu’un événement sportif peut dépasser la simple compétition pour devenir un véritable vecteur de transformation et de sensibilisation. Entre performance sur les rapides et engagement pour la durabilité, l’association réussit à conjuguer exigence logistique, réflexion environnementale et cohésion humaine. Chaque geste, chaque décision, chaque partenariat est pensé pour réduire l’impact, pérenniser les actions et transmettre des valeurs durables au public, aux bénévoles et aux athlètes.
Au fil des éditions, des labels obtenus et des initiatives mises en place, Pau Canoë Événements a su créer un modèle inspirant, où le sport devient un outil d’éducation, d’innovation et de responsabilité collective. Dans ce paysage, l’association ne se contente pas de suivre les standards : elle les fixe, et montre qu’il est possible de faire rimer passion, performance et planète.
